Laure fait couler son bain avant d’aller dormir , elle enjambe le bord de la baignoire en agrippant le lavabo, c’est de plus en plus difficile, surtout au moment de passer la deuxième jambe, elle a peur de glisser. Elle aurait l’air fin si elle tombait , toute seule , déshabillée, avec le téléphone à l’autre bout du couloir. Chacun de ses gestes est réfléchi, comme lorsqu’elle escaladait les rochers de la falaise avec Pierre l’année de leurs vingt ans.
Elle aime se coucher, retrouver la lampe orange, la couette légère et le roman commencé hier qu’elle finira demain. Elle éteint quand ses yeux piquent trop fort ; allongée sur le dos, elle écoute la rue, la sortie du restaurant d’en face, les couples qui rient avant de remonter , enlacés, vers le dernier petit bar ou la boîte de jazz. L’image de celle du dessous, que la lecture avait éloignée, revient devant ses yeux. Est-elle encore en bas ? A-t-elle mangé ? Peut-on dormir par terre avec ce froid sur le pavé glacial ?
Les yeux grands ouverts, elle regarde les taches de lumière électrique parsemer les moulures du plafond à travers les vieux volets et le rideau de voile. Le rire d’une Africaine monte vers les toits, quelqu’un téléphone en remontant la rue d’un pas rapide.
Comment est-elle installée en bas ? S’est-elle allongée en chien de fusil sur son espèce de courtepointe ou dort-elle assise, effondrée comme elle l’était cet après-midi ? Depuis quand ne s’est-elle pas lavée ?
Elle rallume , déjà deux heures à sa montre, elle renonce à lire, pas assez paisible pour s’intéresser au petit héros mondain de son roman (...)Elle pourrait être le début de ce texte, la nouvelle de Mrs K