J'ai souvent été effarée par le gouffre qui sépare la suffisance de certains écrivains notoires et la pauvreté de leur prose: rentré chez soi, enfin seul avec l'ouvrage dûment dédicacé, on attend la rencontre éblouissante que laissent espérer la verve et la notoriété de l'auteur et on tom be à plat. Vacuité du propos et indigence de l'écriture. Il m'est même arrivé de me demander si le chroniqueur de radio à la voix d'or qui m'avait vendu son récit avait vraiment lu son livre de voyage... C'est exactement l'inverse de retour de la fête de la nouvelle à Jugon les lacs, j'ai commencé à lire les recueils achetés là-bas; en plus du plaisir de l'échange et de la rencontre on trouve de rares pépites dans ces modestes réunions autour du livre, des ouvrages qui ne sont pas distribués ailleurs.
J'ai ainsi pu me procurer Achaba, auprès de Jean-Paul Lamy himself, un voyage dans l'Algérie post indépendante qui, à la fois, aide à comprendre et transporte dans le temps et l'espace. Jean-Paul Lamy se montre d'une précision rigoureuse quant aux lieux et aux termes, il replace chaque mot dans un lexique pointilleux, mais l'hom mage à la beauté des paysages et des femmes, l'amour de la vie et l'humanisme donnent à ce recueil la valeur d'un périple, en ce qui me concerne, loin des sentiers battus. Publié par les éditions du Douayeul, à l'occasion d'un concours de recueils, cet ouvrage est sans doute disponible auprès de l'auteur, si il lui en reste (90 pages,10 €).
J'ai également acquis Aux p'tits bonheurs malchance! de Dominique Guérin, aux éditions Jacques Flament.
Avec Dominique Guérin, c'est un peu l'anti starsystem : la dame n'est pas spécialement à l'aise de vendre son livre, on sent qu'elle se surveille et ne se fait pas de cadeau. Et pourtant, son écriture se balance, tranquille, bien calée sur son trapèze pour enchaîner les acrobaties le sourire aux lèvres et une fleur sur l'oreille. C'est périlleux, brillant, et ça nous embarque sans traîner. Des histoires noires, mais pas despérées, des univers foisonnants, chaque personnage parle sa langue et nous tire par la manche "C'est mon tour, là, viens par ici que je te raconte...". On n'est pas encore remis de la précédente nouvelle, on a envie de dire - Attends, attends, je suis encore avec celle qui débusque un secret de famille, celle qui cire son escalier à mort, celles qui savent et qui ne disent pas excepté parfois à leurs chats...J'ai une prédilection pour Des soleils par milliers (on ne parle jamais assez de l'école, sinon pour dire ce qu'elle devrait faire pour sauver le monde, j'aime ce que dit Dominique Guérin à travers sa Vieille Ecole) et pour Le rideau rouge de Tante Mado. (Jacques Flament, 113 pages, 12,90€)
J'ai acheté plein d'autres recueils, je repasse en parler dès que j'ai le temps!