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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 20:17

Depuis son enfance, la reine était très belle. Très riche et très belle.

Toute sa vie elle avait questionné le reflet  magique, le petit rond noir et luisant qui fixait sa beauté toujours, partout:

- Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle?

L'objectif tournait, brillait, et répondait - Reine, tu es la plus belle, tu es plus belle que toutes les belles du royaume.

 

Elle était magnifique et richissime, c'est pourquoi le roitelet nerveux  la choisit pour épouse. Il décida de la montrer au petit peuple près du château rose et jaune. Cernée par les caméras, la reine minauda devant les objectifs au bras de son nouvel amoureux - Miroirs, mes beaux miroirs, dites-moi qui est la plus belle?

Les zooms tournèrent, brillèrent, et répondirent - Reine tu es la plus belle, les autres reines étaient ordinaires, elles comptaient les pièces jaunes ou haranguaient les foules, elles ne défilaient pas sur les podiums. Tu es la plus belle de toutes les belles du royaume.


Fort content de sa nouvelle épouse, le roi la montrait autour de lui comme si les regards qu'elle attirait lui avaient appartenu. Il se pavanait à l'ombre de sa beauté, soulagé  que plus personne n' examinât sa propre sudation ou les tics qui le ravageaient.

 

Bien au-dessus de la médiocrité, des  polémiques quelconques, du quotidien des gens de peu, le roi et la reine parcouraient le monde dans un avion immense, parfois précédé d'un aménagement adhoc ( les aérodromes sont parfois si petits...) Leurs majestés visitaient des grottes fragillissimes et des laboratoires de biotechnologie sans cacher leurs célestes chevelures sous de vulgaires charlottes; leur nature supérieure se déployait à mesure que les mois passaient.

 

Quand vint l'heure de la réélection, le roitelet abattit son jeu: la beauté de la reine, ses tenues époustouflantes, ses oeillades appuyées, ses postures dont la modestie crevait l'écran, tous ces artifices voileraient d'un nuage sucré la réalité du royaume. Abandon des services publics, épanouissement des finances occultes, prisons honteuses, campagnes désertes, quartiers méprisés. La capitale devenue ghetto de riches, les ors de la République plus monarchiques que jamais.

A l'aube de la campagne, la reine questionna encore une fois l'objectif qui la fixait

-Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle ...

reine

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commentaires

@
<br /> Tourné cela en conte amène de la subjectivité pourtant criant de réalisme...bravo !<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Quelquefois la réalité rejoint la fiction...Quant aux cheveux, je me demande bien ce qu'ils fichent chez Loréal, il y a du boulot là!<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Excellent texte ! Ta plume l'a croquée sans pitié et a dressé un tableau tellement de réaliste !!! Qu'en à la photo, on dirait que l'objectif lui donne un côté "sorcière" (cheveux triste et presque<br /> fourché, peau fatiguée où pointent des cernes et quelques rides...). Cet objectif là semble plus impitoyable que les autres avec la reine !<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Je me régale...<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Voyons Annick, ce ne peut être qu'un conte! Nous savons tous que tout cela ne peut pas exister ...<br /> <br /> <br />
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