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4 juin 2009 4 04 /06 /juin /2009 07:38

Elle éponge  les traces d’eau sur l’évier de pierre , essuie les carreaux bleus et  finit d’arranger le plateau . Cafetière, sucrier , petite cuiller argentée , quatre biscuits à l’orange dans la coupelle de Saxe. Celle où Maman dressait quelques minces tuiles aux amandes . La fine bordure craquante et cuivrée , le centre jaune clair à peine cuit… l’ourlet de   porcelaine  sous la pulpe de ses doigts  ressuscite   leur douceur  fondante  et leur volatil parfum de dragée  . 

(...) Sans elle, qui saurait nommer les enfants apprêtés dans les cadres d’argent ? Les couples solennels , les hommes à lorgnon et les femmes à tournure ,  leur expression douloureuse échappée du corset serré ? Elle sait le nom de chaque bébé  à plat ventre sur une fourrure . Qui d’autre  saurait distinguer les services en Giens des grands-mères Schneider et  Pomiès ?  le linge  brodé de Tante Amélie ? les verres en cristal de la communion de Jean-Charles auxquels il manque deux flûtes depuis Noël soixante-trois et le faux pas de la cousine Lilette ? Les absents  l’accompagnent jour et nuit au long des murs tendus de soie passée , ils l’entourent et la retiennent de leur côté. Gardienne de leurs mémoires et garante de leurs objets : l’éclat de l’argenterie ,  l’intégrité des tapisseries, les trésors des armoires.
Naphtaline et santal, deux fois l’an elle glisse  des billes odorantes entre les piles de draps pliés par des disparues. Elle se rappelle les matinées des jours de linge ; Grand-Mère dans le fauteuil d’osier, Maman présidant la cérémonie et les jeunes filles maniant  les toiles. Son admiration d’enfant devant leur adresse et leur complicité , les effluves savonneux  du lin, la douceur brûlante  de la vapeur…Deux fois par mois  l’odeur de  tissu chauffé dans l’escalier et  , l’après-midi , les éclats de rire des lingères libérées des  patronnes . Comme elle aimait  se faufiler  pour  profiter de leurs bavardages. C’était le temps de la lenteur , de la certitude que rien n’allait changer (...)

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commentaires

C
On te reconnait en quelques mots !
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M
Léonie c'est de la dentelle de Calais
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L
Toujours ce même souci du petit détail qui fait jaillir l'émotion, chez Léonie !
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